J’ai toujours aimé apprendre des langues car je trouve très intéressant d’étudier les ponts entre elles, même les plus éloignées. En apprenant une langue étrangère, on en apprend parfois plus sur ses propres langues maternelles, que ce soit à travers un lexique ayant une étymologie commune ou des expressions idiomatiques figées, vestiges de schémas linguistiques archaïques et oubliés. J’ai ainsi pu expérimenter plusieurs outils et méthodes pour apprendre des langues à des niveaux de maitrises différents. Cet article a pour but de vous les présenter à travers des exemples que j’utilise actuellement pour apprendre l’italien. Je vous invite cependant à les considérer comme des conseils plus génériques, car même si vous apprenez une autre langue, vous devriez pouvoir trouver des équivalents dans votre langue cible.
Méthode ASSIMIL
Avec l’omniprésence des applications de langues (j’en reparlerai plus tard), ces méthodes écrites peuvent sembler archaïques et désuètes. Elles sont cependant la base de mon apprentissage, structurant ma progression à court et long terme. Avoir un support physique, visible sur mon bureau, me permet de me rappeler tous les jours que la régularité est primordiale dans son apprentissage. Au delà des leçons journalières, le livre contient également de nombreuses aides et mémos concernant la conjugaison, la phonétique, le vocabulaire, etc.

La méthode ASSIMIL s’articule autour d’un programme segmenté en 100 leçons journalières, avec des jalons chaque semaine pour récapituler les notions vues lors des dernières leçons. Chaque jour vous aurez plusieurs exercices :
- Dialogue italien (traduit en français) qui introduit une ou plusieurs notions. Le dialogue est annoté pour expliquer certains points nouveaux.
- Quelques phrases en italien à traduire. Elles reprennent des tournures ou du vocabulaire évoqué dans le dialogue, sous d’autres formes.
- Des phrases à trous en italien à compléter.
Chaque exercice est accompagné d’une piste audio. Elle n’est pas obligatoire mais vivement conseillée. Au moment d’acheter la méthode, vous aurez plusieurs options pour obtenir ces pistes (CD-ROM, Clé USB, Téléchargement MP3, ou sans piste audio). Pour ma part, je recommande l’option téléchargement MP3. Vous aurez alors accès à un site sur lequel vous pourrez créer un compte qui vous permettra de télécharger vos fichiers. Vous pouvez même revenir dessus plus tard pour les télécharger à nouveau, sans aucune limite. Pratique si on est en déplacement et qu’on a oublié de les emmener avec soi.
Pour chacune des 100 leçons, la méthode préconise d’écouter l’audio du dialogue sans regarder le texte et de tenter de répéter chaque phrase, puis de regarder le texte pour découvrir l’orthographe. Personnellement, je me rajoute le défi d’écrire la transcription du dialogue dans un carnet, puis de finalement découvrir avec le texte ce que j’aurais mal compris. Forcément, c’est compliqué au tout début, surtout si on commence sans aucune base, mais ça permet d’activer plusieurs types de mémoires et de compenser les moments où je ne peux pas répéter à voix haute (dans les transports en commun par exemple). À partir de la leçon 51, la méthode propose d’ajouter un nouvel exercice : traduire le dialogue de la première leçon du français vers la langue cible. En toute logique, toutes les notions nécessaires ont déjà été vues pour cet exercice ce qui permet alors de réactiver ces notions dans notre mémoire. En continuant ainsi pour les jours suivants, on se rend compte de ses propres progrès : on passe d’un dialogue qu’on peinait à comprendre à un texte qu’on est capable de traduire naturellement vers la langue cible. C’est efficace et très motivant !
Vous l’aurez compris, avec 100 leçons en première lecture + 100 leçons de révision en seconde lecture à partir de la leçon 51, on arrive à 150 jours d’apprentissage au total ! Avec les récapitulatifs hebdomadaire et les rappels des leçons précédentes, on a un bon compromis entre progression à court et à long terme. La méthode encourage l’assiduité et la régularité. Chaque leçon prend entre 10 et 15 minutes chaque jour. C’est loin d’être suffisant pour maitriser une langue, mais le cadre qu’elle donne structure l’apprentissage et maintient une motivation pour continuellement progresser.
Easy Italian
Easy Italian est une chaine du groupe Easy Languages. Chaque vidéo évoque un sujet du quotidien à travers des micro-trottoirs dans les rues de différentes villes d’Italie. On y parle aussi bien des vacances, de la nourriture végétarienne, du travail, ou de santé mentale. C’est souvent l’occasion de parler d’un point de grammaire mais aussi de parler du quotidien en Italie, voire même des différences régionales. Ainsi, en parlant des vacances, certains italiens évoquent le phénomène des plages privées, très répandues en Italie. Si on prévoit d’y passer quelques temps en été, c’est un bon moyen pour comprendre l’organisation et le fonctionnement en Italie et éviter les mauvaises surprises !
Toutes les vidéos sont sous-titrées en italien et en anglais. On y entend des accents de différentes régions et des manières de parler très proches de ce qu’on pourrait entendre dans la rue. On évite alors de s’enfermer dans le langage trop scolaire et on commence à se familiariser avec les petites phrases de la vie courante, les mots d’hésitation qui ponctuent une conversation, etc. Bref, c’est parfait pour fluidifier son italien et s’immerger dans la langue afin de se préparer à un voyage !
Il existe des tas de chaines spécifiques à chaque langue, dont on peut retrouver la liste ici : https://www.easy-languages.org/our-languages
Autrement, la chaine principale Easy Languages regroupe des vidéos de langues qui n’ont pas leur chaine dédiée. On y retrouve par exemple le coréen, l’espéranto, le suédois, le swahili, etc. Les vidéos y sont tout de même regroupées par langue sous forme de playlists.
Vlogs et Youtubers pédagogiques natifs
En complément des vidéos pédagogiques de Easy Italian, on trouve souvent des vidéos de Youtubers qui enseignent leur langue natale à travers des vidéos pédagogiques mais surtout des vlogs, racontant leurs journées. Encore une fois, l’objectif est de diversifier son écoute et de s’immerger dans la culture et la langue pour absorber des expressions courantes. On remarque rapidement des manières de parler, des mots pour ponctuer les phrases. En les intégrant dans notre vocabulaire, on participe à naturaliser sa manière de parler. D’autre part, je trouve que pouvoir se reposer sur des mots de ponctuation courants augmente ma confiance pour parler à des inconnu·es car ça me permet de réfléchir à mes phrases sans avoir de trous dans mon élocution.
Pour l’italien, j’aime beaucoup la chaine de Lucrezia. Elle mélange des vidéos pédagogiques accompagnées de vlogs où elle nous emmène dans son quotidien. Elle donne également souvent des conseils de livres ou de films, en fonction de son niveau d’italien. Je vous conseille d’activer les sous-titres en italien pour suivre les phrases les plus difficiles et de ne pas hésiter à chercher des traductions si vous ne comprenez pas tout.
News in Slow Italian
News in Slow Italian est un podcast audio disponible sur plusieurs plateformes musicales (Deezer, Spotify, etc) où on peut écouter des journalistes présenter l’actualité en italien, avec une cadence ralentie par rapport aux journaux locaux. Le podcast propose plusieurs niveaux (Débutant, Intermédiaire et Avancé), mais seul le niveau Intermédiaire est disponible gratuitement. On peut également consulter le transcript de l’émission en description de l’épisode correspondant.

Si on suit déjà l’actualité, on est alors susceptible de connaitre le sujet de l’émission, ce qui permet de se focaliser sur la compréhension et d’accumuler du vocabulaire sur des sujets courants et actuels. C’est une bonne manière de s’entrainer à suivre des discussions à l’oral ou par écrit sur des formats plus organiques (Reddit, Youtube, etc).
Comme pour les autres ressources, il existe des équivalents pour plein d’autres langues.
Duolingo
J’ai longtemps assidument utilisé Duolingo. Mon compte a été créé en 2015 et j’ai eu l’occasion de tester tout un tas de langues (espagnol, italien, japonais, coréen, espéranto, suédois, etc). En 10 ans, j’ai pu observer beaucoup de changements sur le site et son application. Même si je me réjouis de voir que l’application a su motiver des millions de personnes à apprendre une langue, je déplore malheureusement des changements qui ont drastiquement détérioré l’expérience utilisateur et la portée pédagogique de l’application. Sans vouloir faire une revue exhaustive de ces modifications, je regrette notamment la disparition des leçons, et surtout des forums de discussion. Ces derniers étaient une réelle source d’informations en complément des cours eux-mêmes. On y découvrait des détails linguistiques, des nuances qui ne pouvaient être expliquées simplement à travers des exercices. Même si je dois reconnaitre que tous les échanges n’étaient pas aussi enrichissants. On tombait fréquemment sur des plaintes d’utilisateurs qui réclamaient qu’on corrige un bug, là où ils avaient quasi systématiquement fait une simple faute de frappe.
Cependant, la communauté des modérateur·ices des cours sur Duolingo était très active et la disparition des ces forums a littéralement mis à la corbeille une mine d’informations très précieuses. Ces suppressions ont d’ailleurs totalement invisibilisé le travail de nombreuses personnes qui ont activement contribué à concevoir chacun des cours sur la plateforme, avant d’être validé par la modération de Duolingo. Malgré tout et par chance, certains forums ont pu être archivés et hébergés par des volontaires. Il se trouve que c’est le cas pour le forum Français vers Italien, grâce au travail des auteur·ices et modérateur·ices de ce cours : MammaMariaNatale et Emanuela_G. Le forum est accessible en lecture seule ici, pour les cours de grammaire également supprimés du site, ils sont accessibles ici.

Duolingo est devenu une grossière machine à générer de l’engagement, maintenant artificiellement un maximum de temps ses utilisateur·ices sur l’application, quitte à les freiner volontairement dans leur apprentissage. La gamification a pris le pas sur la pédagogie. La course aux points pour rester au sommet du classement, les ligues de niveau et la peur de perdre sa série sont même devenus des clichés utilisés ad nauseam par les équipes marketing. J’ai moi-même fini par tombé dans ce piège ; enchainer les mini-jeux stupides, optimiser mes sessions pour engranger le plus de points, speedrunner un exercice pour absolument valider ma journée et continuer ma série, dépenser des points virtuels dans des gels de série pour la préserver sans même pratiquer une seule seconde, parfois même une semaine entière. Je n’apprenais plus. Je refaisais les mêmes exercices en boucle pendant des jours pour apprendre par cœur des phrases scolaires et inutiles, sur des notions de grammaire et du vocabulaire basiques.
Duolingo n’a jamais eu la prétention d’apprendre à devenir totalement à l’aise dans une langue, mais si auparavant c’était un bon outil pour maintenir sa motivation et rafraichir ses connaissances, je trouve qu’aujourd’hui il est plus néfaste que bénéfique pour apprendre une langue. Je ne l’ai abandonné que tout récemment alors que j’avais un abonnement premium. J’ai fini par me rendre à l’évidence. Les dernières annonces sur l’intégration de l’IA dans les cours pour remplacer les humains ont fini de me convaincre que je n’ai plus d’avenir avec cette application. Peut-on vraiment espérer un revirement total du projet qui reviendrait sur des années de décisions principalement dirigées par l’appât du gain, mettant au second plan la promesse initiale de permettre au plus grand nombre d’apprendre une langue pour s’émanciper, faire perdurer des langues en danger d’extinction, faciliter l’intégration des personnes migrantes ? Un bel exemple, parmi tant d’autres, de merdification.